Sagesse

SAGESSE


1, 13 à 2, 24


L'auteur de cette réflexion sur la sagesse (rédigée en grec environ 100 ans avant notre ère) se fait l'écho des raisonnements  formulés par ses contemporains.

Il distingue deux grands courants: ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. 

Ceux qui pensent que Dieu existe et qu'il s'intéresse aux humains - ceux qui estiment que Dieu ne peut pas exister et qu'aucun absolu ne s'impose aux humains.

Les premiers s'efforcent d'écouter, de comprendre et de mettre en pratique la Sagesse de Vie que Dieu a fait connaître au cours de l'histoire: Les seconds, n'attendant rien d'un Dieu inexistant ou inconnaissable, sont obligés de formuler quelques règles de vie: jouir en tous domaines, donner priorité aux plaisirs de la consommation, faire peser leur pouvoir sur les faibles, et tester le bien fondé des pensées des croyants. 

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  Ces deux conceptions du sens de l'existence rejoignent l'actualité de l'Humanité hier et aujourd'hui. 

Croire n'est pas chose évidente: ne pas croire non plus. 

Ce que les sciences humaines disent de l'homme et de son statut terrestre  semble fonder l'athéisme de principe et sa pratique concrète. 

Ce que les humains observent concernant la merveille que représente l'être humain incite plutôt à admettre que nous ne savons pas tout et que nous n'avons pas tous les pouvoirs.

La conception et la mise au monde d'une personne humaine ayant autant  de potentialités se reproduisent depuis des millénaires, sans imposer des  choix intellectuels compliqués.

Elles ressemblent  à une création ; plus exactement elles s'apparentent à une collaboration avec un processus ancestral observé depuis des millénaires en toutes les parties de la planète, quels que soient la culture ou les convictions religieuses. 

Pouvons-nous raisonnablement penser  et prouver

- que nous connaissons le dernier mot sur absolument tout

-  que nous détenons le pouvoir de créer des personnes humaines ?

 Est-il déraisonnable de profiter de la sagesse formulée par des penseurs de l'Occident ou de l'Extrême Orient afin de susciter du bonheur et du progrès au bénéfice d'un

maximum de personnes ? 

Ce débat continue depuis des siècles. Il se prolongera probablement encore pendant des siècles. 

Mieux vaut l'affronter que l'ignorer ou le fuir. 

La Bible, quant à elle, met en scène de bien des façons ce débat, public ou intérieur, qui fait partie du statut de l'être humain,

merveilleux comme un dieu,

lamentable à d'autres heures,

toujours interpellé et finalement

jugé au plus intime de sa conscience. 

Les chapitres 1 et 2 du livre de la Sagesse en constituent un exemple à lire sans coupures...

***

 Chacun doit s'interroger sur ses choix et les absolus qu'il se donne,

ainsi que sur l'Absolu qu'il accueille, respecte et aime...

ou sur les raisons pour lesquelles il n'adhère pas ou n'adhère  plus à cet Absolu:

il doit alors  formuler les règles de vie qu'il se donne pour ses années de vie terrestre

en attendant sa disparition complète et défintive causée par la mort biologique inévitable.

 



2, 12 à 20



Un juif croyant écrit à ses frères et sœurs vivant dans un univers culturel étranger à leur foi.


Il s'adresse à ceux qui gouvernent:"Aimez la justice, ayez sur le Seigneur des pensées droites, cherchez-le avec un cœur simple car il se laisse trouver par ceux qui ne le mettent pas à l'épreuve, il se manifeste à ceux qui ne refusent pas de croire en lui" (1,1-2).

L'auteur s’efforce de résumer la pensée des athées, agnostiques ou matérialistes.

Selon eux, les personnes humaines sont le résultat d’un hasard merveilleux : leur existence est provisoire, il n’en reste rien après la mort. 

Le droit ne s’appuie ni sur la noblesse supposée de la personne humaine, ni sur la conformité avec des supposées lois divines. Le droit appartient au plus fort, au plus riche, au plus célèbre, au plus entreprenant. Tant pis pour le pauvre, le faible, le petit.   

Dans cette perspective, quel sens donner à l'existence? 

Réponse: jouir de tout ce qui est bon, profiter des avantages procurés par son capital de santé, de richesse, de pouvoir. 

Et surtout ne pas sombrer dans une vision religieuse dominée par l’influence d’un dieu. S’opposer plutôt à ceux et celles qui affirment l’existence d’un tel être édictant des lois : les pousser à bout par une sorte de persécution et de mépris qui les amènera nécessairement à craquer et à reconnaître que leur dieu n’existe pas, et que leurs principes ne sont que du vent. 

Ainsi raisonnaient des sans-dieu du monde gréco-romain, au dire de l’auteur de ce livre de Sagesse.


Est-ce impensable, excessif ?

La comparaison avec des idéologies ou des comportements pratiques de certains penseurs récents ou contemporains prouve plutôt que des pensées de ce genre se reproduisent de siècle en siècle.   

Réfléchissons-y.

Croyants et penseurs imprégnés de matérialisme pratique coexistent toujours, souvent de manière paisible, parfois de manière conflictuelle, et périodiquement dans des phases de persécution sans merci. 

Les deux derniers millénaires  illustrent la permanence ou la résurgence périodique de cette analyse, rédigée en grec par un Juif cultivé, connaissant les Ecrits bibliques, vivant probablement dans l'Egypte hellénisée,  ( à Alexandrie ?) environ 50 à 80 ans avant notre ère. 



6, 1 à 16


L'auteur du livre entame l'éloge de la Sagesse (chapitres 6 à11).


Il le répète, sa réflexion concerne en priorité ceux qui gouvernent, dominent les multitudes et sont ministres du droit, de la loi et de la volonté de Dieu.

Car c'est du Très-Haut qu'ils ont reçu ce pouvoir: c'est Lui qui les jugera: "Les puissants seront examinés avec vigueur, le petit, lui, est excusable et digne de pitié. Le Souverain de tous ne reculera devant personne". (v 6-7)

*

Cette Sagesse vient d'En-Haut mais elle cherche la rencontre avec les humains. Ceux-ci courent vers elles et son assurés de la rencontrer s'ils la désirent, s'ils se tiennent proches de Dieu, s'ils se passionnent pour les réalités importantes.

"Le commencement de la Sagesse, c'est le désir vrai d'être instruit par elle" (v.17).


Le rédacteur parle d'elle comme d'une personne brillante, devançant ceux qui la désirent, se laissant trouver et voir aisément.

Impossible donc de ne pas la rencontrer: puisqu'elle se met à la portée des humains.

*

Il n'est pas étonnant que nombre de commentateurs chrétiens aient appliqué à Jésus de Nazareth, tout ce que le Sage avait écrit dans ce livre.

Quiconque cherche à connaître le Christ, le rencontre, et le prend comme Guide est donc assuré de mener une existence remplie de la plus Haute Sagesse.


7, 1 à 21


L’auteur de ces réflexions se présente sous le nom de Salomon, le roi à la sagesse légendaire. Il s’adresse directement aux responsables et aux puissants. Il veut les convaincre : la première condition pour bien gouverner  c’est d’adopter le point de vue de Dieu, suprême Sagesse, parfait connaisseur de l’être humain.

Cet homme est un Juif, profondément croyant, partageant la culture grecque du monde dans lequel il vit, probablement à Alexandrie, environ 80 à 50 ans avant notre ère.

Au chapitre 2, il a rapporté les pensées de ceux qui ne partagent pas sa foi. Au chapitre 4, il a montré combien le non-croyant en vient à reconnaître ses erreurs.

A partir du chapitre 6, il s’applique à faire découvrir l’origine, la nature, l’action de la Sagesse et le moyen de l’acquérir. « Instruisez-vous, souverains…prêtez l’oreille vous qui commandez aux foules…C’est le Seigneur qui vous a donné le pouvoir…c’est lui qui examinera votre conduite et scrutera vos desseins…Un jugement implacable s’exerce sur les grands ; au petit, par pitié, l’on pardonne, car le Maître souverain ne recule devant personne. » (6, 1-7)

Et ce Juif croyant interprète alors les intimes convictions de Salomon, le roi sage : « Je ne suis moi aussi, qu’un homme mortel, semblable à tous les autres » (v.1). Il invite à reconnaître la grandeur et le réalisme de la condition humaine. Il désarme ainsi la double tentation des responsables : se considérer comme des êtres supérieurs, et mépriser les autres.

Avec lucidité, il accepte son statut : « Il n’y a pour tous qu’une façon d’entrer dans la vie comme d’en sortir » (v.6)

Avec logique, il se tourne vers Dieu, source de Sagesse : il le prie de lui donner sagesse et intelligence. Il  remercie le Seigneur de l’avoir comblé de ces deux qualités qu’il estime supérieures à tout ce qu’on peut désirer sur terre : argent, santé, beauté, pouvoir.

Le rédacteur, sage croyant, peut alors commencer son éloge de la Sagesse. Il va en parler comme d’une qualité centrale de Dieu qui cherche à la communiquer aux humains puisqu’elle apporte lumière et bonheur : « nous sommes dans sa main, nous et nos discours, et toute notre intelligence et toute notre habileté »(v.16)

*

Jésus parlera de son statut de Fils d’homme avec la même sagesse. Les évangélistes en témoigneront, Jean notamment qui le présentera comme Parole, Lumière et Vie de Dieu devenue personne humaine, chair et sang.

Chaque personne devrait méditer ces lignes pour prendre conscience de sa dignité, la respecter chez les autres. Et toute personne exerçant des responsabilités (religieuses, politiques, sociales, culturelles) devrait méditer périodiquement ces pages pour ne jamais sombrer dans une surestimation de soi, proche du risque d’autoritarisme ou de despotisme.



9, 13 à 18


L'auteur du livre de la Sagesse complète sa prière pour obtenir la Sagesse par plusieurs considérations.


- La vraie Sagesse habite le coeur et les pensées du Dieu créateur et sauveur des humains.  Lui seul sait. Lui seul est source. Lui seul peut donc communiquer les éléments fondamentaux de la Sagesse qui ouvre à la connaissance des réalités créées et indique les bons comportements susceptibles de faire vivre les personnes.


- Sans cette communication venant de Dieu, l'humain ne comprend qu'une partie de l'univers, celle qu'il découvre par lui-même, en philosophant comme les penseurs grecs dont la science est importante, non négligeable, mais insuffisante pour le croyant.


- Et c'est un fait d'expérience: lorsque quelqu'un trouve le  chemin de la Vie et de la Vérité, c'est la preuve que Dieu lui  a donné la Lumière.


- La Lumière  véritable n'est pas celle du soleil ou de l'esprit humain. Elle habite Dieu depuis toujours. C'est elle qu'il a créée dès le premier Jour du Monde, au principe de tout. 


11, 20 à 12,2


Voici  une méditation s'appuyant sur l'histoire du peuple d'Israël

et ses adversaires d'hier,

que Dieu n'a pas exterminés.


Réfléchissant sur cette "évolution de Dieu" dans son rapport avec ceux qui font le mal, l'auteur de la Sagesse propose son interprétation.


Superbe harmonie de Dieu

entre puissance et respect,

entre punition et regard vers l'avenir,

entre répression et conversion,

entre aujourd'hui et demain.


Mesure,

maîtrise de soi,

amour avant tout.


Logique interne de Dieu:

il n'aurait pas créé pour détruire ensuite.


Si nous existons

c'est la preuve que Dieu nous aime.


Admirables lignes

d'un contemplatif

ayant découvert

le secret intérieur de Dieu.


Plus tard, le Christ dira des choses semblables

parce qu'il est sorti de Dieu

et révèle

aux humains

ce qu'il a déjà contemplé..



12, 13 à 22


L'auteur du livre de la Sagesse vient d'affirmer que Yahvé est tellement Juste "qu'il n'a jamais haï quiconque, sinon il ne l'aurait pas créé " (11, 24).


Problème:  Dieu a exterminé, par exemple, les Cananéens qui occupaient le territoire devenu le pays d'Israël!


Le Sage essaie de répondre à cette objection contre la Justice de Yahvé.


D'abord, le Seigneur  ne condamne jamais quelqu'un qui ne  le mérite pas.


Ensuite, Il maîtrise sa force et ses "pulsions". Il prend son temps avant d'intervenir.


Il laisse aussi du temps au coupable pour réfléchir, reconnaître ses torts et s'améliorer.


Toutefois, après ce temps de la Patience de Dieu, arrive finalement le temps de la Justice qui châtie ceux qui persistent dans le mal.

*

Ayant ainsi défendu l'honneur de Yahvé qui a demandé à son peuple, à plusieurs reprises au cours de l'histoire, d'éliminer les idolâtres ou les  populations brutales et meurtrières, le Sage en tire un bon conseil pour essayer de justifier définitivement le Seigneur. En agissant ainsi, Dieu éduquait son peuple: Il  lui apprenait à donner du temps à ses ennemis pour qu'ils s'amendent.

Il lui apprenait à rester maître de ses pulsions de vengeance et à garder toujours un coeur ouvert aux traités d'alliance et aux armistices.

*

Jésus, Lui, ira plus loin en conseillant  la parfaite maîtrise de soi face aux ennemis, et même en osant proposer la paix sans se venger.

*

Toutes ces questions  ne cesseront jamais d'agiter les esprits des humains, quels que soient leurs choix religieux.

Nous  le constatons jour après jour sous toutes les latitudes.



18, 1 à 19



Le rédacteur de ces lignes a médité l'histoire du peuple hébreu telle que la présentent les Livres saints.

Il y ajoute sa propre réflexion, sa lecture personnelle.


Il fait parler Dieu, les Hébreux et interprète les pensées des Egyptiens. Il a choisi un moment de l'Histoire: celui  qui fit du peuple de Dieu un peuple libéré de l'esclavage et du génocide perpétré par l'Egypte.

Pour "dramatiser" sa lecture, l'auteur de la Sagesse insiste sur le bien fondé des décisions de Dieu.


Ses interventions renversent la situation: elle sauve ceux qui étaient perdus en conduisant à leur perte ceux qui oppressaient. Elle fait périr ceux qui faisaient périr. Elle  noie ceux qui noyaient. Elle fait comprendre le sens de l'Histoire à ceux qui n'avaient plus confiance en leur avenir. Elle aveugle ceux qui étaient persuadés de voir clair.

**

L'ambivalence des réalités apparaît au Fidèle. L'eau sauve et noie. La Lumière éclaire ou aveugle. La mort d'un proche très aimé fait réfléchir davantage que les nombreuses morts de ceux qui nous sont indifférents ou que nous opprimons.

*

Lorsque Dieu intervient, c'est souvent lorsque nous dormons, c'est "au milieu de la nuit", alors que tout semble immobilisé, que l'Histoire apparaît figée.


*

Il en va ainsi à toutes les époques, pour toutes les civilisations, pour toutes les organisations. Méditons en l'histoire. Comprenons ce qui fait bouger les humains. Découvrons ce qui nous a fait bouger intérieurement alors que nous étions persuadé que tout était joué.

"Tout à coup, la Parole de Dieu surgit  du ciel! "